Un champ d’investigation en rapide évolution

Dérivés de cellules souches, les modèles embryonnaires peuvent être utilisés pour répondre à de nombreuses questions. Ils ouvrent la possibilité de mieux comprendre le début du développement de l’embryon humain et d’établir l’innocuité des médicaments utilisés pendant la grossesse au travers d’études pré-cliniques. Avant d’en arriver à ce stade, de nombreux travaux seront néanmoins encore nécessaires. Alexandre Mayran et son équipe se situent à la pointe de la recherche dans ce domaine.

Pour que des médicaments puissent être mis sur le marché, ils doivent être évalués tant en ce qui concerne leur efficacité que leur sécurité. Ce principe de précaution vaut tout particulièrement pour les femmes enceintes : il convient de s’assurer que des principes actifs ne sont pas susceptibles d’exercer des effets délétères sur les enfants à naître. A l’heure actuelle, ces tests sont effectués en expérimentant sur des modèles cellulaires et animaux.

Une autre option pourrait à l’avenir voir le jour. Dans le monde entier, une centaine de groupes de recherche travaillent actuellement sur des modèles embryonnaires dérivés de cellules souches. Encore appelées embryoïdes (pseudo-embryons, ces structures tridimensionnelles sont cultivées en laboratoire à partir de cellules souches embryonnaires. Il en existe un large éventail développé à partir de tissus humains, murins et d’autres espèces.

Pas des embryons

Ces agrégats cellulaires ne sont pas des embryons dans la mesure où ils ne peuvent aboutir à un développement à terme. Cependant, ils imitent les structures embryonnaires et permettent aux chercheuses et chercheurs d’étudier de nombreuses questions intéressantes touchant le développement primitif des embryons.

L’un des groupes de recherche travaillant sur ce sujet est celui d’Alexandre Mayran à l’EPF de Lausanne. Comme le souligne le professeur Mayran, « les modèles embryonnaires sont relativement récents et n’existent que depuis quelques années, mais ils connaissent une évolution rapide. On dispose d’environ 25 modèles différents qui présentent chacun des avantages et des inconvénients. Il est crucial que les scientifiques puissent déterminer le modèle qui s’avèrera le plus pertinent pour leurs recherches et identifier ses limites. Nous développons actuellement une ressource qui permettra de répondre à ce besoin, et d’identifier des stratégies pour remédier aux défauts présentement observés. »

Une évaluation réaliste

Dans le cadre du Programme national de recherche « Advancing 3R », l’équipe d’Alexandre Mayran étudie notamment les possibilités qu’offrent ces modèles en vue de remplacer ou de réduire l’expérimentation animale. Pour ce faire, il est important de les étudier de manière réaliste : A quelles questions les embryoïdes peuvent-ils répondre ? A quelles questions pourraient-ils répondre dans quelques années ? « Ce n’est qu’en évaluant de manière réaliste les opportunités et les risques que présentent ces modèles qu’ils pourront à l’avenir être utilisés », explique celui-ci.

La communauté scientifique débat actuellement intensément afin de déterminer quels sont les modèles les plus pertinents. Deux visions s’affrontent : certains modèles représentent mieux le développement embryonnaire, mais aux dépens de la reproductibilité. Et le fait qu’en l’état actuel des connaissances, ils soient difficiles à produire réduit leur utilité pour la recherche. A l’inverse, si d’autres s’avèrent beaucoup plus faciles à cultiver, ils n’offrent qu’une version simplifiée et moins complexe de l’embryon.

« L’idéal serait naturellement de disposer d’un modèle qui soit aussi proche que possible de la réalité, qui offre une bonne reproductibilité et qui soit facile à utiliser », résume le chercheur.

Questions éthiques et juridiques

Outre les défis techniques qu’ils présentent, les modèles embryonnaires soulèvent également de nombreuses questions éthiques et juridiques. S’ils ne sont plus des cellules souches, ils ne sont pas non plus des embryons, car ils ne sont pas viables. Mais comment doivent-ils être considérés d’un point de vue éthique ? Et sur le plan légal ?

« Il est important pour nous que les questions pertinentes soient clarifiées », ajoute Alexandre Mayran, « car nous sommes conscients des défis que présente la gestion de ces modèles ». Les problématiques scientifiques et éthiques devront être résolues, car ils deviendront à l’avenir très utiles, par exemple pour étudier l’infertilité ou pour cultiver des organes in vitro à des fins de transplantation.